La vie de François Rabelais


Né à Chinon en 1494, fils d'avocat, François Rabelais entre à seize ans chez les franciscains de Fontenay Le Comte qu'il quitte à vingt-neuf ans pour l'ordre des bénédictins.
Moine-étudiant en droit, attaché à l'évêque de Poitiers, il opte bientôt pour la médecine à laquelle il s'initie à Montpellier.
On le retrouve médecin chef à l'Hôtel Dieu de Lyon où il publie PANTAGRUEL en 1532, récit de hauts faits en apparence peu sérieux du fils du géant GARGANTUA, héros de la littérature que diffusent les colporteurs.
Bien que la Sorbonne alors faculté de théologie ait condamné le livre pour obscénité, son auteur est devenu médecin particulier de l'évêque de Paris, le cardinal de Bellay, qu'il accompagne dans ses déplacements à Rome.

Entre deux voyages en Italie, il publie GARGANTUA en 1535 qui connaît le même succès et la même censure. F. Rabelais n'en est pas moins autorisé par le pape à réintégrer l'ordre des bénédictins avec le droit de pratiquer la médecine à l'exception de la chirurgie (l'église craignait de blesser les âmes en ouvrant les corps) ce qui ne l'empêche pas de pratiquer des dissections clandestines. Entre temps il avait obtenu du Saint Père la légitimation de ses deux enfants, nés d'une veuve parisienne.

Poursuivant ses activités de médecin, d'ecclésiastique et d'écrivain, il donne une suite à son oeuvre (le Tiers livre et le Quart livre) et meurt à Paris en 1553.



L'HUMANISTE

Nourri de Platon qui fait de l'épanouissement de l'homme le but de toute philosophie et de toute action, Rabelais a choisi délibérément le camp de l'humanisme dans une Europe déchirée par les conflits religieux et dont les princes vont bientôt se rallier à la pensée dans l'abbaye de Thélème édifiée par Gargantua
Disciple d'Erasme (1466-1536), en qui il voit un invincible combattant de la vérité, sa démarche est celle de l'évangélisme qui prône une foi directement inspirée de l'Evangile, dépouillée de toute superstition et débarrassée de fastidieux offices religieux. Il n'y a pas d'église car la parole de Dieu est omniprésente et inspire le libre exercice de la volonté : "Fais ce que vouldra " en est la devise.
Mais cette confiance en l'homme et en son libre arbitre heurte à la fois la Sorbonne et les théologiens de la réforme, Luther et Calvin. L'intransigeance religieuse et la raison d'Etat l'emporteront. François f'~ un temps favorable à l'Evangélisme et fondateur du collège des lecteurs royaux (futur collège de France) pour faire pièce à la Sorbonne, pourchassera les hérétiques après l'affaire des Placards (1537), Henry VIII d'Angleterre fera décapiter Thomas More, l'auteur de l'UTOPIE évêque te grand chancelier (1535) ; et Calvin fera brûler le médecin, humaniste Michel Servet qui s'était réfugié à Genève.



LE PEDAGOGUE

Comme tous les humanistes, Rabelais accorde une grande place à l'institution (l'éducation). Il s'en prend violemment à l'enseignement des collèges (qui dispensaient l'enseignement secondaire et supérieur) réduit à des apprentissages formels qui sécrètent le pédantisme et un langage de cuistre.

A ce savoir des rêveurs maréoligiens (diseurs de rien) il oppose une éducation que l'on qualifiera plus tard d'encyclopédique, embrassant le cercle des connaissances, régie par un équilibre entre les disciplines intellectuelles (langues, sciences, musique), physiques jeux, exercices corporels, danse, morales et sociales (religion, règles de vie sociale). Une éducation fondée sur
Le contact direct avec l'objet de connaissance : avec le texte et non les commentaires, observation de la nature, du mouvement des astres ; apprentissages par le jeu, la manipulation (on apprend les mathématiques en jouant aux cartes et au dés !), la découverte des métiers, la pratique de la narration, de l'escalade, des haltères... bref, une pédagogie exemplaire marquée par l'act1vité, le dialogue, l'exercice permanent de l'esprit critique et qui permet de l'état d'enfance à celui de culture.



L'ECRIVAIN

François Rabelais est aussi l'un des fondateurs de la langue française, sans doute le plus grand créateur de notre littérature. Il a enrichi son vocabulaire d'innombrables termes puisés dans le langage régionale populaire ou forgés par lui-même à partir du grec et du latin. Nul mieux que lui n'a su faire la synthèse du langage et de la connaissance.
Grand manieur de mots il leur donne une couleur et une musique quatre siècle avant Baudelaire et le célèbre sonnet "voyelles" de Rimbaud : dans un épisode étonnant du quart livre, Pantagruel qui vogue ne quête de la dîve bouteille jette sur le pont du navire des pleines poignées de paroles gelées ressemblant à des dragées perlées de diverses couleurs et demande à ses compagnons de les réchauffer entre leurs mains pour les entendre matériellement
Il arrive même à notre auteur de se perdre sans la bouche de son héros Pantagruel absorbé par un univers fictif qu'il a lui-même élaboré puis restitué au monde extérieur bien vivant et en riant. C'est une manière à inviter ses bons disciples à accomplir le même voyage dans sa propre parole pour en sortir tout imprégné de pantagruelisme.